Seul un résumé de cette communication sera donné ici, une biographie plus complète de Pierre Guérin ayant paru récemment sous la référence :
Colle Michel, La carrière étonnante du chirurgien Pierre Guérin, Dossiers d’Aquitaine.
Ce résumé est complété par un texte très intéressant de Jacques Battin, sur l’opération de la cataracte du fils de Montesquieu par le docteur Pierre Guérin.
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Pierre Guérin (1740-1827) est originaire de Lyon. Son père et son frère aîné étaient déjà chirurgiens, et tout prédestinait le jeune Pierre à suivre leurs traces. Tout, sauf l’administration pointilleuse des hôpitaux de Lyon qui remarqua qu’il manquait au cursus de ce brillant chirurgien-interne une année pour passer chirurgien-major !
Venu à Bordeaux pour s’embarquer comme chirurgien dans la Marine, Pierre Guérin fut remarqué par Dubruel, chirurgien de l’Amirauté, qui, devant les qualités du jeune médecin, l’encouragea à rester à Bordeaux … en lui faisant épouser sa fille !
C’est là où commence une carrière étonnante : formé à la médecine de l’Ancien Régime, Guérin eut une carrière très brillante jusqu’à la Révolution, qui mit à terre tout ce qu’il avait réalisé : soins, enseignement, participation aux sociétés savantes, tout s’écroule, en France comme à Bordeaux. Il lui faudra une capacité de résilience hors du commun pour reprendre toutes ses activités sous les régimes suivants,combien changeants, et réaliser son oeuvre majeure : la création de la Société de Médecine de Bordeaux.
Avant la Révolution donc, Pierre Guérin fut chirurgien-major à l’hôpital Saint-André, lithotomiste réputé et professeur estimé, inventeur d’instruments de chirurgie.
Spécialiste, entre autres, de la cataracte, il inventa un « ophtalmostat » permettant à la fois de fixer l’oeil et d’inciser la cornée et il eut l’honneur d’opérer avec succès le fils de Montesquieu. Sur l’insistance de celui-ci, il présenta ses travaux à l’académie Royale de Chirurgie de Paris et fut immédiatement reçu comme membre régnicole.
Pierre Guérin traversa la révolution en poursuivant son exercice auprès de la population, mais en dehors de l’hôpital Saint-André et de l’école de médecine Sainte-Côme fermée par la Convention. Il fut, durant la Terreur, à la fois sérieusement inquiété, car tombant sous le coup de la loi des suspects, puis dénoncé dans le Livre rouge de la Terreur à Bordeaux d’avoir été un délateur, en l’occurrence du libraire Pallandre pour fait d’aristocratie. Cette accusation n’est pas documentée par les recherches que nous avons pu faire dans les dossiers de la Commission militaire.
Sa carrière reprit cependant, très brillante, marquée par ses travaux sur la lithologie, la poursuite de ses recherches en ophtalmologie ou bien le traitement des anévrismes par le froid. Il introduisit dès 1801 à Bordeaux la vaccination contre la variole.
Mais sa plus belle réalisation reste, en 1798, la création de la prestigieuse Société de Médecine de Bordeaux avec l’aide d’une vingtaine d’autres médecins bordelais issus, pour la plupart de la Société clinique de santé fondée le 4 juillet 1796 et de la Société Philanthropique de Santé fondée le 3 août de la même année. La Société de Médecine de Bordeaux, dont Pierre Guérin fut le président en 1798 et en 1801, perdurera deux siècles sous diverses appellations, au gré des régimes.
Le fils de Pierre Guérin, Jean Basile (1776-1835), prit sa suite comme chirurgien à l’Hôpital Saint-André, spécialisé dans les maladies des yeux et élu par deux fois Président de la Société de Médecine. Avec leurs sept autres enfants, Pierre Guérin et Pétronille Dubruel eurent une nombreuse descendance qui entretient, de nos jours, la mémoire familiale.
Elie Gintrac, dans son Eloge de Pierre Guérin (Académie Royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, séance du 31 mai 1827) rend ainsi hommage au médecin de la rue Sainte-Jeme : « Le docteur Guérin est décédé plus que nonagénaire le 13 février 1827, vivement regretté d’une nombreuse et intéressante famille, des habitants de Bordeaux dont il était le médecin et l’ami, des pauvres dont il était le bienfaiteur, et de ses confrères dont il était l’oracle. »
Un buste de Pierre Guérin est conservé dans les locaux de l’association Pétronille, au 15 rue du Professeur Demons.
En 1866, la rue Sainte-Gemme ou Sainte-Jeme, comme on en voit encore l’inscription gravée dans la pierre à l’angle avec la rue Tustal, a été rebaptisée rue Guérin. Longeant l’hôtel Ragueneau, elle relie la rue du Loup à la place Saint-Projet jusqu’à la demeure du n°1 actuel, où résidait le docteur Pierre Guérin.
L’étonnante carrière du chirurgien Pierre Guérin, débutée sous Louis XV, terminée sous Charles X, est résumée ci-dessous.
Louis XV
1740 : Naissance
1762 : Chirurgien-interne à Lyon
1765 : Arrivée à Bordeaux
1772 : Mariage avec Pétronille Dubruel
1773 : Reçu à l’Académie à 33 ans
Louis XVI
1775 : Maître en chirurgie à Saint-Côme
1779 : Médecin oculiste à Saint-André
1785 : Chirurgien Major de l’hôpital Saint-André
1786 : Membre Régnicole de l’Académie de Médecine de Paris.
1786 : Chirurgien lithotomiste
1° République
1792 : Saint-Côme
1793 : Médecin des pauvres
1793 : Mis Hors-la-loi
Directoire
1796 : Création de la Société médicale d’émulation
1798 : Création de la Société de médecine
Consulat
1802 : Président de la Société de médecine
1802 : Comité de vaccination contre la variole
Empire
1806 : Réfrigération des anévrismes
1810 : Décline la présidence de la Société impériale de médecine
Première Restauration
Cent Jours
Louis XVIII
Charles X
1827 : Décès
Second Empire
1866 : la rue Saint-Jeme devient la rue Guérin